Du 8 juin au 5 novembre 2023, la Fondation Cartier pour l’art contemporain propose une exposition dédiée à l’art de Ron Mueck, sculpteur australien. L’artiste connu pour ses œuvres hyperréalistes, déjà exposé en 2014, reviens cette année avec une exposition exceptionnelle, dévoilant des sculptures inédites et un processus créatif innovant. Ici, Ron Mueck souhaite se détacher des corps réalistes aux dimensions anormales afin d’explorer le domaine de la sculpture monumentale.

Mass, 2017 : L’Éveil du Mémento Mori

« Le crâne humain est un objet complexe. Une icône puissante, graphique, que l’on identifie immédiatement. Familier et étrange à la fois, il rebute autant qu’il intrigue. Il est impossible à ignorer, accaparant inconsciemment notre attention. » – Ron Mueck

Alors que mes pieds sont à peine posés sur le sol bétonner de la Fondation, mon regard se heurte à celui d’une centaine de crânes humains aux dimensions monumentales. Entreposés les uns sur les autres, un sentiment d’inconfort me parvient. Quand est-il de notre situation en tant qu’être vivant, de chair et d’os face à ces crânes sans vie, somptueusement peint d’un blanc éclatant ? La frayeur et l’insécurité ressenties laissent subitement place à la sublimation et à l’émerveillement.

Chacun de nos sens et chacune de nos émotions se retrouvent alors saisis à vif. De l’incompréhension à l’admiration jusqu’à la répulsion, chacune de ces sensations nous conduit à un questionnement profond et intérieur quant à la signification de cet amas de crânes humains. Malgré leur similarité apparente, ces crânes révèlent en réalité des distinctions subtiles mais indéniables. La tonalité de la couleur blanche semble en un coup d’oeil jaunie par les stigmates du temps et de l’usure. L’unicité de cette masse compacte devient alors singulière et remarquable.

L’Éloquence des Crânes : Entre Vanité et Universalité

Alors que la religion chrétienne se tournera davantage vers le mémento Mori : « souviens-toi que tu vas mourir » à travers l’image symbolique du crâne et l’évocation de la vanité, la culture populaire, quant à elle, l’adopte comme objets de fantaisie et de décoration. Quand bien même, le crâne est universellement associé à la mort, l’indubitable fin de l’homme et la tragique expérience à laquelle chacun d’entre nous est confronté. L’amas de crânes présenté dans l’œuvre Mass agit comme une représentation physique et matérielle de notre destinée ultime.

Ron Mueck innove en délaissant l’individualisme des personnages représentés afin de mettre en avant un collectif uni dans la tourmente. Ainsi, elle devient une œuvre qui transcende la singularité afin d’évoquer une expérience humaine partagée.

Finalement, en parcourant chacun de ces crânes, je ne voyais que l’effroi de ce qui nous arriverait à tous : le deuil, la fin et la suppression de tout superflu ne résumant l’individu qu’à un squelette. Dépourvu de toute richesse matérielle, rien ne lui appartient plus, à l’exception de son corps, désormais dénué de chair. En ce sens, l’œuvre pourrait ainsi représenter notre propre corps, notre propre fin, entouré d’autres individus, qu’ils soient inconnus ou familiers. Selon cette idée, il réside en chacun de nous la tragique fin de l’humanité, la métamorphose des corps en un simple amas d’os.

« Car nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter »

Timothée 6

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