Alors que la technologie bat son plein au coeur de notre société, le secteur artistique est, quant à lui, de plus en plus enclin à rejoindre le mouvement. D’autant plus présent dans les grandes métropoles telles que Montréal, la réalité virtuelle fait parler d’elle et devient l’une des tendances les plus prisées de ces dernières années, notamment grâce à ses décors et ambiances tout aussi réalistes que oniriques. Ainsi, après avoir exploré les paysages britanniques imprégnés d’une atmosphère végétale au sein de l’œuvre FRAMERATE, je vous invite à pénétrer dans un univers empreint de nostalgie, de sublimation et d’intrigue. Au cœur du deuxième volet de l’exposition Chaos et Mémoires, vous découvrirez quatre œuvres taïwanaises en réalité virtuelle, dont deux évoquées dans cet article.

Interconnectées, ces créations résonnent en nous comme une subtile érosion entre réalité et rêve, où les fragments de notre imaginaire se confrontent et s’entremêlent à notre « ici et maintenant ». L’art nous ouvre les portes à de nouvelles perspectives et nous rappelle l’importance du devoir de réminiscence en tant qu’individu.  

Sous la lumière vive des néons et englobés de murs distordus, nous pénétrons dans la deuxième partie de l’exposition. L’atmosphère évoque la vie nocturne des rues de Taïwan. À cet instant, je me sens comme projetée au cœur d’un film de Wong Kar-Wai et ses promenades enivrantes dans les ruelles de la ville. Chacune des salles nous plonge dans un univers singulier, à la frontière de l’onirisme.

All That Remains, quand l’étrange devient beauté

All That Remains, Craig Quintero : une performance artistique dérangeante mais frissonnante

« Le soleil se lève à l’est. Il y a 24 heures dans une journée. J’existe ».

Un regard troublant, une femme au charme mystérieux, un univers aux penchants hallucinogènes. Dès les premières minutes, cette œuvre trouble nos sens, modifie notre rapport au réel, nous transportant dans un univers énigmatique et déroutant. Toutes ces sensations s’entremêlent à tel point que je peine à expliquer mes ressentis. J’étais à la fois troublée mais attentive à chaque détail, à chaque mouvement.

Au cœur de cet environnement si peu conventionnelle, poreux mais palpitant, l’oeuvre nous livre à une performance artistique lente, subtile et contemporaine. La frontière entre rêve, hallucination et réalité devient alors imperceptible, dépourvue de toute capacité de distinction. Mes yeux virevoltent dans tous les sens, cherchant en vain un appui réaliste. Cependant, l’oeuvre nous entraîne dans cet univers d’inconfort, de malaise visuel, suscitant d’innombrables questionnements. Soudain, des danseuses apparaissent, formant un cercle autour de nous. Et alors, le rouge endiablé des robes se confrontent au blanc impassible des murs. L’angoisse, la quiétude, l’inconfort sont autant de sentiments qui nous parviennent, formant ainsi une étrange beauté irréelle et indescriptible.

Après douze minutes de performance, notre perception de la réalité est altérée. J’ai eu l’impression d’être plongé dans un rêve éveillé, téléportée dans un univers qui nous dépasse, allant jusqu’à transcender notre état de conscience. Cela m’a rappelé ces moments de fatigue si intenses qu’ils engendrent des hallucinations, laissant place à une atmosphère brumeuse, devenue incertaine et confuse. Pourtant, cette performance artistique demeure en nous tel un voyage au cœur du mystique, de l’inconscient rêveur. Par une beauté artistique tout aussi douce que subtile, la réalité virtuelle a pleinement démontré sa capacité à nous enraciner dans un univers où nos repères sensoriels sont étouffés.

Red Tail, une excursion aux prémices de nos souvenirs d’enfance.

Red Tail, Fish Wang : quand les souvenirs nous reviennent.

Red Tail débute à l’entrée d’une gare flottant dans les nuages, dont la destination demeure inconnue. Nous suivons le voyage d’un petit garçon à la poursuite d’une mystérieuse « queue rouge » qui attire son attention. Au cœur de cette odyssée énigmatique et captivante, évoluant dans un univers hors norme, nous explorons divers endroits à bord d’un train. Vagabondant parmi des paysages à la fois vides, désertiques et mystiques, nous faisons la rencontre de créatures étranges au caractère fantaisiste. Le parcours de la « queue rouge » aboutit au cœur d’une pièce sombre, baignée dans une lumière majestueuse provenant d’une multitude de points éclairés. Le garçon y fait la rencontre d’un homme mystérieux, détenteur de ses secrets les plus enfouis. Des milliers de « queues rouges » similaires à celle-ci sont emprisonnées dans de petites bulles d’air. En réalité, elles représentent notre part d’ombre, la douleur portée en chacun de nous. Le récit de vie de ce petit garçon refait alors surface, ravivant des souvenirs aussi douloureux que percutants. Peu à peu, il recouvre la mémoire, prenant alors conscience des maux qui l’habitent et de cette douleur profondément enfouie, mais toujours aussi vive.

Au cours de notre voyage, nous comprenons avec plus d’aisance cette quête ardente du petit garçon. Il s’agit d’un retour au cœur de nos souvenirs les plus enfouis, ceux qui forgent notre identité en tant qu’adulte. La poursuite de la « queue rouge » symbolise métaphoriquement la douleur tenace et accablante qui habite le petit garçon. Cette œuvre évoque la transition incomprise et brusque de l’enfance à l’âge adulte, une épreuve bien plus éprouvante et complexe qu’on ne peut l’imaginer. Alors que les changements physiques sont plus faciles à repérer, il en est tout autre concernant les tourments et changements intérieurs qui sont souvent négligés et échappent à notre partie consciente.

Cet enfant du passé qui habite en chacun de nous continue de grandir et d’agir à travers notre corps d’adulte. Nos comportements, nos réflexions font partie intégrante de notre identité et se forgent principalement pendant notre enfance. L’enfant que nous étions nous habite chaque jour, à chaque instant de notre existence. Ainsi, l’environnement de cette œuvre dénote d’une dimension symbolique. Plongé au cœur de nos souvenirs, n’est pas toujours agréable, surtout lorsqu’ils s’agit d’affronter nos traumatismes. Cette atmosphère lugubre et sombre peut alors être la métaphore de notre exploration de l’inconscient, du passé parfois désagréable, mais pourtant essentielle à un moment ou à un autre de notre existence.

L’univers de Red Tail me rappelle le film « Caroline » de Henri Selick, aussi troublant que merveilleux et envoûtant. L’aventure de ce garçon est un peu la nôtre. Par le cheminement de l’enfance, de la reconstruction de nos souvenirs, nous tentons d’aboutir à l’espoir de nous comprendre, de façonner notre identité. Tout au long de ce périple, nous découvrons des paysages variés, plus sublimes les uns que les autres. En parcourant les nuages et les paysages surréalistes, nous entrons dans un voyage purement spirituel, où la réalité perd toute emprise. es images pleines la tête, bercée par ses univers mystique et indescriptibles, il m’est impossible de les décrire. Afin d’être pleinement imprégné par cette atmosphère si somptueuse, il faut en faire l’expérience : ressentir, contempler, admirer. Les mots ne suffissent plus.

« Let’s enjoy our lives with tears and laughter, and we will all become better. »

« Profitons de nos vies avec des larmes et des rires, et nous deviendrons tous meilleurs »

Fish Wang.

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