2023 se présente à moi comme une année de renouveau, de dépassement de soi et d’accomplissement. Ainsi, elle devait rester mémorable jusque dans mes plus lointains souvenirs. Je devais sortir de ma « zone de confort », me prouver que je pouvais accomplir tous mes désirs sans rester cantonnée à la routine, à la monotonie que je déteste tant. Je voulais profiter au maximum, faire tout ce dont j’avais peur, tout ce dont je ne suis pas sûre. Après plusieurs hésitations à ce sujet, entre l’Islande, le Mexique ou Copenhague, j’ai décidé de partir au Canada. C’était totalement inattendu et loin dans ma liste, mais en ce début de printemps, où le temps est encore légèrement froid, c’était le bon moment pour profiter un peu plus de cette atmosphère d’un hiver canadien. Mon choix s’est davantage tourné vers Montréal du fait que le français y est couramment parlé. Pour mon premier voyage en solitaire, c’était une façon de me rassurer.

Mes billets en poche et mon logement réservé, je m’envole officiellement pour Montréal le 3 avril pour 10 jours. Une fois de plus attachée à cette mauvaise habitude de prendre ma vie à la rigolade, c’est ce genre de situation qui m’amène à entreprendre des actions sur un coup de tête sans la moindre organisation au préalable. Pourtant, ce sont également ces mêmes pulsions qui se révèlent être généralement les meilleures décisions de ma vie. Sous la frayeur et les mains tremblantes, je me dépasse, sans cesse et poursuis le récit de cette vie, de ma vie.

Bien que le voyage soit officiel et que la case retour n’existe dorénavant plus, je reste assujettie à un déni des plus totaux jusqu’à mon arrivée sur le sol. En toute honnêteté, je ne suis pas partie avec beaucoup d’appréhension, faute de précautions. Je ne me suis pas imaginée les différences notables entre nos deux pays ni même les efforts physiques et mentaux que ce voyage pourrait me demander. Partant du principe que c’est un pays majoritairement francophone et que les villes sont la plupart du temps étroitement liées. J’ai survécu à Paris ou encore à Lyon, alors pourquoi Montréal serait compliqué ? Mais c’est exactement à ce moment précis, à partir de cette réflexion que je me trompe, que tout est à revoir.

La réalité est tout autre, je n’étais jamais partie aussi loin, et surtout, jamais toute seule. Stupide est l’idée de croire que nos pensées et nos croyances limitantes déposent leurs bagages à l’aéroport et nous laissent en paix le temps des vacances. Elles sont bien présentes et, par moments, deux fois plus fortes. La fuite, cette notion faisait partie intégrante de mon obsession de m’envoler loin. J’ai cru bon que si la destination était lointaine, mes tracas quotidiens me laisseraient le temps de souffler. Perfectionniste jusqu’au dernier souffle, j’ai tenté tant bien que mal de partir la plus légère possible, de faire taire toutes ces pensées et de les réduire au silence complet. Mais elles étaient toujours là, et elles ne partiront pas.

Au final, j’étais perdue, totalement perdue sans parvenir à trouver un objectif à mon quotidien, une raison de me lever le matin. Depuis quelque temps, tout avait été échec et déception. Ma vie avait pris un tournant inattendu, que je n’arrivais plus à contrôler. C’était trop brusque pour moi, trop rapide. Alors, je voulais échapper à tout, me fondre dans une foule abondante et me sentir comme absente. Je voulais disparaître. Tout ce qui m’importait à ce moment précis, c’était de me prouver à moi-même que j’en étais capable, que moi aussi, je pouvais entreprendre de beaux projets. Je voulais ressentir autre chose que de la lassitude et le goût amer de l’échec, de la perdition, me prouver que je faisais bien, que je le faisais tout simplement.

Qui s’arrange de manière à voir sans être vu, retient son souffle comme un enfant qui craint de mettre en fuite un papillon.

Victor Cherbuliez, L’idée de Jean Têterol (1878)

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